Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 8,4-15.
En ce temps-là, comme une foule nombreuse se rassemblait, et que de toutes les villes on venait à Jésus, il dit en parabole :
" Le semeur sortit pour semer sa semence ; et, pendant qu'il semait, du grain tomba le long du chemin ; il fut foulé aux pieds, et les oiseaux du ciel le mangèrent.
D'autre tomba sur de la pierre, et, après avoir poussé, se dessécha, parce qu'il n'avait pas d'humidité.
D'autre tomba dans les épines, et les épines poussant avec, l'étouffèrent.
D'autre tomba dans la bonne terre, et, après avoir poussé, donna du fruit au centuple. " Parlant ainsi, il clamait : " Qui a des oreilles pour entendre, entende ! "
Ses disciples lui demandèrent ce que signifiait cette parabole :
" A vous, leur dit-il, il a été donné de connaître les mystères du royaume de Dieu ; mais pour les autres, c'est en paraboles, pour que regardant ils ne voient point, et qu'écoutant ils ne comprennent point.
Voici ce que signifie la parabole : La semence, c'est la parole de Dieu.
Ceux qui sont le long du chemin sont ceux qui ont entendu ; ensuite le diable vient, et il enlève la parole de leur cœur, de peur qu'ils ne croient et ne se sauvent.
Ceux qui sont sur de la pierre sont ceux qui, en entendant la parole, l'accueillent avec joie ; mais ils n'ont point de racine : ils croient pour un temps, et ils se retirent à l'heure de l'épreuve.
Ce qui est tombé dans les épines, ce sont ceux qui ont entendu, mais vont et se laissent étouffer par les sollicitudes, les richesses et les plaisirs de la vie, et ils n'arrivent point à maturité.
Ce qui est tombé dans la bonne terre, ce sont ceux qui, après avoir entendu la parole avec un cœur noble et bon, la gardent et portent du fruit grâce à la constance.
Les barques des apôtres, après avoir parcouru la portion assez courte du lac qui sépare Capharnaüm de Bethsaïda, amarrent dans cette ville. Mais d'autres barques les ont suivies et beaucoup de gens en descendent et s'unissent à ceux venus de Bethsaïda pour saluer le Maître qui entre dans la maison de Pierre où... se trouve de nouveau son épouse qui a préféré vivre seule plutôt que d'entendre les plaintes constantes de sa mère envers son mari.
Les gens, au dehors, réclament à grands cris le Maître. Cela ennuie Pierre qui monte sur la terrasse et harangue ses concitoyens ou du moins, leur dit qu'il faudrait un peu de respect et de politesse. Lui, maintenant qu'il l'a dans sa maison, voudrait bien jouir un peu paisiblement de la présence du Maître. Au contraire, il n'a pas le temps et le plaisir de Lui offrir seulement un peu d'hydromel parmi les nombreuses choses qu'il a dit à sa femme d'apporter, et il grommelle quelque peu.
Jésus le regarde en souriant et hoche la tête en disant: “On dirait que tu ne me vois jamais et qu'il est exceptionnel de se trouver ensemble!”
“Mais il en est ainsi! Quand nous sommes par le monde, sommes-nous par hasard Toi et moi? Jamais de la vie! Entre Toi et moi, il y a le monde avec ses malades, avec ceux qui sont dans l'affliction, avec les auditeurs, les curieux, les calomniateurs, les ennemis, mais nous ne sommes jamais Toi et moi. Aujourd'hui, au contraire, tu es avec moi, dans ma maison et ils devraient le comprendre!” Il est vraiment fâché.
“Mais je ne vois pas de différence, Simon. Mon amour est le même. Ma parole est la même. Que je te la dise à toi en privé, ou que je la dise pour tous, n'est-ce pas la même chose?”
Pierre avoue alors sa grande peine: “C'est que je suis têtu et que je suis facilement distrait. Quand tu parles sur une place, sur une montagne, au milieu d'une si grande foule, moi, je ne sais pourquoi, je comprends tout mais je ne me rappelle de rien. Je l'ai dit aussi aux compagnons et ils m'ont donné raison. Les autres, je veux dire le peuple qui t'écoute, te comprend et se souvient de ce que tu dis. Combien de fois nous avons entendu quelqu'un avouer: "Je n'ai plus fait cette chose parce que tu l'as dit", ou encore: "Je suis venu parce qu'une fois je t'ai entendu dire telle autre chose dont mon esprit a été frappé". Nous, au contraire... hum! c'est comme un courant d'eau qui passe sans s'arrêter. La rive ne l'a plus, cette eau qui est passée. Il en vient d'autre, toujours d'autre, et toujours tant. Mais elle passe, passe, passe... Et moi, je pense avec terreur que, s'il en est comme tu dis, que viendra le moment que tu ne seras plus là pour jouer le rôle du fleuve et... et moi... Qu'aurai-je à donner à ceux qui ont soif, si je ne garde pas une seule goutte de ce que tu me donnes?”
Les autres aussi appuient les plaintes de Pierre, se lamentant de ne jamais rien retrouver de ce qu'ils entendent quand ils voudraient le retrouver pour répondre aux nombreuses personnes qui les interrogent.
Jésus sourit et répond: “Mais il ne me semble pas. Les gens sont très contents de vous aussi ... ”
“Oh! oui! Pour ce que nous faisons! Te faire de la place, et pour cela jouer des coudes, porter les malades, recueillir les oboles et dire: "Oui, le Maître c'est celui-ci!" C'est du propre, en vérité!”
“Ne te rabaisse pas trop, Simon.”
“Je ne me rabaisse pas, je me connais.”
“C'est la plus difficile des sagesses. Mais je veux t'enlever cette grande peur. Quand j'ai parlé et que vous n'avez pu tout comprendre et retenir, demandez-moi sans craindre de paraître ennuyeux ou de me décourager. Nous avons toujours des heures d'intimité. Ouvrez-moi alors votre cœur. Je donne tant à tant de gens. Et que ne vous donnerais-je pas à vous que j'aime comme Dieu ne le pourrait davantage? Tu as parlé du courant qui passe sans que la rive n'en garde rien. Un jour viendra où tu t'apercevras que chaque flot t'a déposé une semence et que chaque semence t'a donné une plante. Tu trouveras à ta portée fleurs et plantes pour tous les cas, et tu seras étonné de toi-même en disant: "Mais, que m'a fait le Seigneur?" car alors tu seras racheté de l'esclavage du péché et tes vertus actuelles se seront élevées à une haute perfection.”
“Tu le dis, Seigneur, et je me repose sur cette parole.”
“Maintenant allons trouver ceux qui nous attendent. Venez. Paix à toi, femme. Je serai ton hôte ce soir.”
Ils sortent, et Jésus se dirige vers le lac pour n'être pas bousculé par la foule. Pierre a soin d'éloigner la barque de quelques mètres de la rive de façon que tous puissent entendre la voix de Jésus, mais qu'il y ait un peu d'espace entre Lui et les auditeurs.
“De Capharnaüm jusqu'ici, j'ai réfléchi à ce que j'allais vous dire. Et j'ai trouvé des indications dans les événements de la matinée.
Vous avez vu venir vers Moi trois hommes. L'un spontanément, l'autre parce que je le sollicitais, le troisième pris par un enthousiasme soudain. Et vous avez vu aussi que des trois je n'en ai pris que deux. Pourquoi? Est-ce que par hasard j'ai vu un traître dans le troisième? Non, en vérité. Mais il n'était pas préparé. Apparemment paraissait moins préparé celui qui est à côté de Moi, qui allait ensevelir son père. Au contraire le moins préparé c'était le troisième. Le second était si préparé, à son insu, qu'il a su accomplir un sacrifice vraiment héroïque. L'héroïsme pour suivre Dieu est toujours la preuve d'une forte préparation spirituelle. Cela explique certains faits surprenants survenus autour de Moi. Les plus préparés à recevoir le Christ, quelles que soient leur caste et leur culture, viennent à Moi avec une promptitude et une foi absolue. Les moins préparés m'observent comme un homme qui sort de l'ordinaire ou bien ils m'étudient avec méfiance et curiosité ou bien encore ils m'attaquent et me dénigrent par des accusations variées. Les différents comportements sont en proportion de l'impréparation des esprits.
Dans le peuple élu, on devrait trouver partout des esprits prompts à recevoir ce Messie dans l'attente duquel les Patriarches et les Prophètes se sont consumés d'angoisse, ce Messie venu finalement précédé et accompagné de tous les signes annoncés par les Prophètes, ce Messie dont la physionomie spirituelle se dessine toujours plus claire à travers les miracles visibles sur les corps et sur les éléments et à travers les miracles invisibles sur les consciences qui se convertissent et sur les gentils qui se tournent vers le Vrai Dieu. Mais il n'en est pas ainsi, au contraire. La promptitude à suivre le Messie est fortement contrée justement chez les enfants de ce peuple et, chose douloureuse à dire, elle l'est d'autant plus qu'on s'élève dans les classes de sa société. Je ne le dis pas pour vous scandaliser mais pour vous amener à prier et à réfléchir. Pourquoi cela arrive-t-il? Pourquoi les gentils et les pécheurs font plus de chemin sur ma route? Pourquoi eux accueillent ce que je dis et les autres pas? Parce que les enfants d'Israël sont ancrés ou plutôt sont incrustés comme des huîtres perlières sur le banc où elles sont nées. Parce qu'ils sont saturés, remplis, gonflés de leur sagesse et ne savent pas faire place à la mienne en rejetant le superflu pour accueillir le nécessaire. Les autres ne subissent pas cet esclavage. Ce sont de pauvres païens ou de pauvres pécheurs qu'aucune ancre ne maintient en place, semblables à des bateaux en dérive. Ce sont des pauvres qui n'ont pas de trésors à eux mais seulement des fardeaux d'erreurs et de péchés. Ils s'en défont joyeusement dès qu'ils arrivent à comprendre ce qu'est la Bonne Nouvelle et ils en goûtent le miel fortifiant bien différent de la dégoûtante mixture de leurs péchés.
Écoutez, et peut-être vous comprendrez mieux comme peuvent être différents les fruits d'un même travail.
Un semeur s'en alla semer. Ses champs étaient nombreux et de différentes valeurs. Certains étaient un héritage de son père et la négligence y avait laissé proliférer les plantes épineuses. D'autres, c'était lui qui les avait acquis: il les avait achetés tels quels à un homme négligent et les avait laissés dans cet état. D'autres encore étaient coupés de routes car cet homme aimait le confort et il ne voulait pas faire beaucoup de chemin pour aller d'une pièce à l'autre. Enfin il y en avait quelques uns, les plus proches de la maison auxquels il avait consacré tous ses soins pour avoir une vue agréable devant sa demeure. Ces derniers étaient bien débarrassés des cailloux, des ronces, du chiendent et d'autres encore.
L'homme prit donc son sac de grains de semence, les meilleurs des grains, et il commença l'ensemencement. Le grain tomba dans la bonne terre ameublie, labourée, propre, bien fumée des champs les plus proches de la maison. Il tomba sur les champs coupés de chemins et de sentiers, en y amenant de plus la crasse de poussières arides sur la terre fertile. Une autre partie tomba sur les champs où l'ineptie de l'homme avait laissé proliférer les plantes épineuses. Maintenant la charrue les avait bousculées, il semblait qu'elles n'existaient plus, mais elles étaient toujours là parce que seul le feu, la radicale destruction des mauvaises plantes les empêche de renaître. Le reste de la semence tomba sur les champs achetés depuis peu et qu'il avait laissés comme ils étaient sans les défricher en profondeur, sans les débarrasser de toutes les pierres répandues dans le sol qui y faisait un pavage où les racines tendres ne pouvaient pénétrer. Et puis, après avoir tout emblavé, il revint à la maison et dit: "Oh! c'est bien! Maintenant je n'ai plus qu'à attendre la récolte". Et puis il se délectait parce qu'au fil des jours il voyait lever épais le grain dans les champs proches de la maison, et cela poussait... oh! le soyeux tapis! et puis les épis... oh! quelle mer! puis les blés blondissaient et chantaient, en battant épi contre épi, un hosanna au soleil. L'homme disait: "Tous les autres champs vont être comme ceux-ci! Préparons les faux et les greniers. Que de pain! Que d'or!" Et il se délectait...
Il coupa le grain des champs les plus proches et puis passa à ceux hérités de son père, mais laissés sans culture. Et il en resta bouche bée. Le grain avait abondamment poussé car les champs étaient bons et la terre, amendée par le père, était grasse et fertile. Mais sa fertilité avait agi aussi sur les plantes épineuses, bousculées mais toujours vivaces. Elles avaient repoussé et avaient formé un véritable plafond de ramilles hérissées de ronces au travers duquel le grain n'avait pu sortir qu'avec quelques rares épis. Le reste était mort presque entièrement, étouffé.
L'homme se dit: "J'ai été négligent à cet endroit, mais ailleurs il n'y avait pas de ronces, cela ira mieux". Et il passa aux champs récemment acquis. Sa stupeur fit croître sa peine. Maigres et maintenant desséchées les feuilles du blé gisaient comme du foin sec répandu de partout. Du foin sec. "Mais comment? Mais comment?" disait l'homme en gémissant. "Et pourtant, ici il n'y a pas d'épines! Et pourtant la semence était la même! Et pourtant le blé avait poussé épais et beau! On le voit aux feuilles bien formées et nombreuses. Pourquoi alors tout est-il mort sans faire d'épis?" Et avec douleur il se mit à creuser le sol pour voir s'il trouvait des nids de taupes ou autres fléaux. Insectes et rongeurs non, il n'y en avait pas. Mais, que de pierres, que de pierres! Un amas de pierraille. Les champs en étaient littéralement pavés et le peu de terre qui les recouvrait n'était qu'un trompe-l’œil. Oh! s'il avait creusé le terrain quand c'était le moment! Oh! s'il avait creusé avant d'accepter ces champs et de les acheter comme un bon terrain! Oh! si au moins, après avoir fait l'erreur de les acheter au prix proposé sans s'assurer de leur qualité, il les avait améliorés en se fatiguant! Mais désormais c'était trop tard et les regrets étaient inutiles.
L'homme se releva humilié et il se rendit aux champs qu'il avait coupés de petits chemins pour sa commodité... Et il déchira ses vêtements de douleur. Ici, il n'y avait rien, absolument rien... La terre foncée du champ était couverte d'une légère couche de poussière blanche... L'homme tomba sur le sol en gémissant: "Mais ici, pourquoi? Ici il n'y a pas d'épines ni de pierres, car ce sont nos champs. L'aïeul, le père, moi-même, nous les avons toujours possédés et pendant des lustres et des lustres nous les avons rendus fertiles. J'y ai ouvert les chemins, j'ai enlevé de la terre aux champs, mais cela ne peut les avoir rendus stériles à ce point..." Il pleurait encore quand une réponse à ses plaintes douloureuses lui fut donnée par une bande de nombreux oiseaux qui s'abattaient des sentiers sur le champ et du champ sur les sentiers pour chercher, chercher, chercher des graines, des graines, des graines... Le champ, devenu un canevas de sentiers sur les bords desquels était tombé du grain, avait attiré une foule d'oiseaux qui avaient mangé d'abord le grain tombé sur les chemins et puis celui du champ jusqu'au dernier grain.
Ainsi l'ensemencement, le même pour tous les champs, avait donné ici le cent pour un, ailleurs soixante, ailleurs trente, ailleurs rien. Entende qui a des oreilles pour entendre. La semence c'est la Parole: elle est la même pour tous. Les endroits où elle tombe: ce sont vos cœurs. Que chacun en fasse l'application et comprenne.
La paix soit avec vous. ”
Puis, se tournant vers Pierre, il lui dit: “Remonte aussi haut que tu peux et amarre de l'autre côté.”
Et pendant que les deux barques avancent un peu sur le fleuve pour s'arrêter ensuite près de la rive, Jésus s'assoit et demande au nouveau disciple: “Qui reste-t-il maintenant chez toi?”
“Ma mère avec mon frère aîné marié depuis cinq ans. Mes sœurs sont dispersées dans la région. Mon père était très bon et ma mère le pleure, désolée.” Le jeune homme s'arrête brusquement car il sent un sanglot qui lui monte du cœur.
Jésus le prend par la main et lui dit: “J'ai connu Moi aussi cette douleur et j'ai vu pleurer ma Mère. Je te comprends donc bien ... ”
Le frottement de la barque sur le gravier interrompt la conversation et l'on débarque. Ici, ce ne sont plus les collines basses de Bethsaïda qui plongent pour ainsi dire leurs nez dans le lac, mais une plaine avec de riches moissons s'étend sur cette rive en face de Bethsaïda vers le nord.
“Nous allons à Méron?” demande Pierre.
“Non. Nous prenons ce sentier à travers champs.”
Les champs, beaux et bien entretenus, montrent leurs épis, encore tendres mais déjà formés. Ils sont tous au même niveau et avec le léger ondoiement que leur imprime un vent frais qui vient du nord, ils semblent former un autre petit lac où font office de voiles les arbres qui se dressent ça et là pleins de pépiements d'oiseaux.
“Ces champs ne sont pas comme ceux de la parabole” observe le cousin Jacques.
“Non, assurément! Les oiseaux ne les ont pas dévastés, il n'y a pas d'épines ni de cailloux. Un beau grain! D'ici un mois il sera déjà blond... et d'ici deux mois il sera prêt pour la faux et le grenier” dit Judas Iscariote.
“Maître... je te rappelle ce que tu as dit chez moi. Tu as si bien parlé. Mais je commence à avoir dans la tête des nuages embrouillés comme là-haut...” dit Pierre.
“Ce soir je te l'expliquerai. Maintenant nous sommes en vue de Corozaïn.” Jésus fixe le nouveau disciple et lui dit: “On donne à celui qui donne et la possession n'enlève pas le mérite du cadeau. Conduis-moi à votre tombeau et chez ta mère.”
Le jeune homme s'agenouille en baisant tout en larmes la main de Jésus.
“Lève-toi. Allons. Mon esprit a ressenti ton chagrin. Je veux par mon amour te fortifier dans l'héroïsme. ”
“Isaac, l'Adulte, m'avait raconté à quel point tu étais bon. Isaac, tu sais? Celui dont tu as guéri la fille. Il a été mon apôtre. Mais je vois que ta bonté est encore plus grande que ce qu'il m'avait dit.”
“Nous allons aussi saluer l'Adulte pour le remercier de m'avoir donné un disciple.”
On arrive à Corozaïn et c'est justement la maison d'Isaac la première que l'on rencontre. Le vieil homme qui rentre chez lui, quand il voit le groupe de Jésus avec les siens, et parmi eux le jeune homme de Corozaïn, il lève les bras, avec son bâtonnet en mains, et en a le souffle coupé, et il reste bouche bée. Jésus sourit et son sourire rend la parole au vieillard.
“Dieu te bénisse, Maître! Mais d'où me vient cet honneur?”
“C'est pour te dire "merci".”
“Mais de quoi, mon Dieu? C'est moi qui dois te dire cette parole. Entre, entre. Oh! quelle douleur que ma fille soit au loin pour assister sa belle-mère! Car elle est mariée, sais-tu? Toutes les bénédictions depuis que je t'ai rencontré! Elle guérie, et tout de suite après ce riche parent revenu de loin, veuf, avec ces petits qui ont besoin d'une mère... Oh! mais je t'ai déjà dit ces choses! Ma tête est vieille! Pardonne-moi.”
“Ta tête est sage et elle oublie aussi de se glorifier du bien qu'elle fait pour son Maître. Oublier le bien que l'on a fait c'est de la sagesse. Elle manifeste l'humilité et la confiance en Dieu.”
“Mais moi... je ne saurais ... ”
“Et ce disciple, n'est ce pas par toi que je l'ai?”
“Oh! ... mais je n'ai rien fait, sais-tu? Je lui ai seulement dit la vérité ... et je suis content qu'Élie soit avec Toi.” Il se tourne vers Élie et lui dit: “Ta mère, après le premier moment de stupeur, a essuyé ses larmes quand elle a su que tu étais auprès du Maître. Ton père a eu, malgré cela, un deuil plein de dignité. Il est depuis peu au tombeau.”
“Et mon frère?”
“Il se tait... sais-tu... cela lui a été un peu dur de te voir absent... à cause du pays... Il pense encore ainsi ... ”
Le jeune homme se tourne vers Jésus: “Tu l'as dit. Mais moi, je ne voudrais pas qu'il fût mort... Fais qu'il devienne vivant comme moi, et à ton service.”
Les autres ne comprennent pas et regardent d'un air interrogateur, mais Jésus répond: “Ne désespère pas et persévère.” Ensuite il bénit Isaac et s'en va malgré l'instance d'Isaac.
Ils restent d'abord près du tombeau fermé et ils prient. Puis, à travers un vignoble à demi-dépouillé, ils vont vers la maison d'Élie.
La rencontre entre les deux frères est plutôt réservée. L'aîné se juge offensé et veut le faire remarquer. Le cadet se sent humainement coupable et ne réagit pas. Mais la mère arrive. Sans un mot, elle se prosterne et baise le bord du vêtement de Jésus. Son arrivée rassérène l'atmosphère et les esprits au point qu'on veut faire honneur au Maître. Pourtant Jésus n'accepte rien et dit seulement: “Que vos cœurs soient justes, l'un envers l'autre, comme était juste celui que vous pleurez. Ne donnez pas un sens humain à ce qui est surhumain: la mort et l'appel à une mission. L'âme du juste ne s'est pas troublée de voir que le fils n'était pas à la sépulture de son cadavre. Mais, au contraire, elle s'est apaisée en pensant à la sécurité de l'avenir de son Élie. Que l'opinion du monde ne trouble pas la grâce de la vocation. Si le monde a pu s'étonner de ne pas le voir près du cercueil de son père, les anges ont exulté de le voir à côté du Messie. Soyez justes. Et toi, mère, que ton fils te console. Tu l'as élevé avec sagesse et ton fils a été appelé par la Sagesse. Je vous bénis tous. La paix soit avec vous, maintenant et toujours.”
Ils reviennent sur le chemin qu'ils reprennent pour aller au fleuve et de là à Bethsaïda. L'homme, Élie, ne s'est pas attardé un seul instant sur le seuil paternel. Après le baiser d'adieu à sa mère, il a suivi le Maître avec la simplicité d'un enfant qui suit son père.
En ce temps-là, comme une foule nombreuse se rassemblait, et que de toutes les villes on venait à Jésus, il dit en parabole :
" Le semeur sortit pour semer sa semence ; et, pendant qu'il semait, du grain tomba le long du chemin ; il fut foulé aux pieds, et les oiseaux du ciel le mangèrent.
D'autre tomba sur de la pierre, et, après avoir poussé, se dessécha, parce qu'il n'avait pas d'humidité.
D'autre tomba dans les épines, et les épines poussant avec, l'étouffèrent.
D'autre tomba dans la bonne terre, et, après avoir poussé, donna du fruit au centuple. " Parlant ainsi, il clamait : " Qui a des oreilles pour entendre, entende ! "
Ses disciples lui demandèrent ce que signifiait cette parabole :
" A vous, leur dit-il, il a été donné de connaître les mystères du royaume de Dieu ; mais pour les autres, c'est en paraboles, pour que regardant ils ne voient point, et qu'écoutant ils ne comprennent point.
Voici ce que signifie la parabole : La semence, c'est la parole de Dieu.
Ceux qui sont le long du chemin sont ceux qui ont entendu ; ensuite le diable vient, et il enlève la parole de leur cœur, de peur qu'ils ne croient et ne se sauvent.
Ceux qui sont sur de la pierre sont ceux qui, en entendant la parole, l'accueillent avec joie ; mais ils n'ont point de racine : ils croient pour un temps, et ils se retirent à l'heure de l'épreuve.
Ce qui est tombé dans les épines, ce sont ceux qui ont entendu, mais vont et se laissent étouffer par les sollicitudes, les richesses et les plaisirs de la vie, et ils n'arrivent point à maturité.
Ce qui est tombé dans la bonne terre, ce sont ceux qui, après avoir entendu la parole avec un cœur noble et bon, la gardent et portent du fruit grâce à la constance.
Extrait de la traduction de l'évangile selon le missel catholique Romain tridentin.
Correspondance dans "l’Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta
- Traduction de 2017 : Tome 3, Ch 179, p 164
- Ancienne traduction : Tome 3, Ch 39, p 224 (CD 3 (1er CD), piste 76)
Les barques des apôtres, après avoir parcouru la portion assez courte du lac qui sépare Capharnaüm de Bethsaïda, amarrent dans cette ville. Mais d'autres barques les ont suivies et beaucoup de gens en descendent et s'unissent à ceux venus de Bethsaïda pour saluer le Maître qui entre dans la maison de Pierre où... se trouve de nouveau son épouse qui a préféré vivre seule plutôt que d'entendre les plaintes constantes de sa mère envers son mari.
Les gens, au dehors, réclament à grands cris le Maître. Cela ennuie Pierre qui monte sur la terrasse et harangue ses concitoyens ou du moins, leur dit qu'il faudrait un peu de respect et de politesse. Lui, maintenant qu'il l'a dans sa maison, voudrait bien jouir un peu paisiblement de la présence du Maître. Au contraire, il n'a pas le temps et le plaisir de Lui offrir seulement un peu d'hydromel parmi les nombreuses choses qu'il a dit à sa femme d'apporter, et il grommelle quelque peu.
Jésus le regarde en souriant et hoche la tête en disant: “On dirait que tu ne me vois jamais et qu'il est exceptionnel de se trouver ensemble!”
“Mais il en est ainsi! Quand nous sommes par le monde, sommes-nous par hasard Toi et moi? Jamais de la vie! Entre Toi et moi, il y a le monde avec ses malades, avec ceux qui sont dans l'affliction, avec les auditeurs, les curieux, les calomniateurs, les ennemis, mais nous ne sommes jamais Toi et moi. Aujourd'hui, au contraire, tu es avec moi, dans ma maison et ils devraient le comprendre!” Il est vraiment fâché.
“Mais je ne vois pas de différence, Simon. Mon amour est le même. Ma parole est la même. Que je te la dise à toi en privé, ou que je la dise pour tous, n'est-ce pas la même chose?”
Pierre avoue alors sa grande peine: “C'est que je suis têtu et que je suis facilement distrait. Quand tu parles sur une place, sur une montagne, au milieu d'une si grande foule, moi, je ne sais pourquoi, je comprends tout mais je ne me rappelle de rien. Je l'ai dit aussi aux compagnons et ils m'ont donné raison. Les autres, je veux dire le peuple qui t'écoute, te comprend et se souvient de ce que tu dis. Combien de fois nous avons entendu quelqu'un avouer: "Je n'ai plus fait cette chose parce que tu l'as dit", ou encore: "Je suis venu parce qu'une fois je t'ai entendu dire telle autre chose dont mon esprit a été frappé". Nous, au contraire... hum! c'est comme un courant d'eau qui passe sans s'arrêter. La rive ne l'a plus, cette eau qui est passée. Il en vient d'autre, toujours d'autre, et toujours tant. Mais elle passe, passe, passe... Et moi, je pense avec terreur que, s'il en est comme tu dis, que viendra le moment que tu ne seras plus là pour jouer le rôle du fleuve et... et moi... Qu'aurai-je à donner à ceux qui ont soif, si je ne garde pas une seule goutte de ce que tu me donnes?”
Les autres aussi appuient les plaintes de Pierre, se lamentant de ne jamais rien retrouver de ce qu'ils entendent quand ils voudraient le retrouver pour répondre aux nombreuses personnes qui les interrogent.
Jésus sourit et répond: “Mais il ne me semble pas. Les gens sont très contents de vous aussi ... ”
“Oh! oui! Pour ce que nous faisons! Te faire de la place, et pour cela jouer des coudes, porter les malades, recueillir les oboles et dire: "Oui, le Maître c'est celui-ci!" C'est du propre, en vérité!”
“Ne te rabaisse pas trop, Simon.”
“Je ne me rabaisse pas, je me connais.”
“C'est la plus difficile des sagesses. Mais je veux t'enlever cette grande peur. Quand j'ai parlé et que vous n'avez pu tout comprendre et retenir, demandez-moi sans craindre de paraître ennuyeux ou de me décourager. Nous avons toujours des heures d'intimité. Ouvrez-moi alors votre cœur. Je donne tant à tant de gens. Et que ne vous donnerais-je pas à vous que j'aime comme Dieu ne le pourrait davantage? Tu as parlé du courant qui passe sans que la rive n'en garde rien. Un jour viendra où tu t'apercevras que chaque flot t'a déposé une semence et que chaque semence t'a donné une plante. Tu trouveras à ta portée fleurs et plantes pour tous les cas, et tu seras étonné de toi-même en disant: "Mais, que m'a fait le Seigneur?" car alors tu seras racheté de l'esclavage du péché et tes vertus actuelles se seront élevées à une haute perfection.”
“Tu le dis, Seigneur, et je me repose sur cette parole.”
“Maintenant allons trouver ceux qui nous attendent. Venez. Paix à toi, femme. Je serai ton hôte ce soir.”
Ils sortent, et Jésus se dirige vers le lac pour n'être pas bousculé par la foule. Pierre a soin d'éloigner la barque de quelques mètres de la rive de façon que tous puissent entendre la voix de Jésus, mais qu'il y ait un peu d'espace entre Lui et les auditeurs.
“De Capharnaüm jusqu'ici, j'ai réfléchi à ce que j'allais vous dire. Et j'ai trouvé des indications dans les événements de la matinée.
Vous avez vu venir vers Moi trois hommes. L'un spontanément, l'autre parce que je le sollicitais, le troisième pris par un enthousiasme soudain. Et vous avez vu aussi que des trois je n'en ai pris que deux. Pourquoi? Est-ce que par hasard j'ai vu un traître dans le troisième? Non, en vérité. Mais il n'était pas préparé. Apparemment paraissait moins préparé celui qui est à côté de Moi, qui allait ensevelir son père. Au contraire le moins préparé c'était le troisième. Le second était si préparé, à son insu, qu'il a su accomplir un sacrifice vraiment héroïque. L'héroïsme pour suivre Dieu est toujours la preuve d'une forte préparation spirituelle. Cela explique certains faits surprenants survenus autour de Moi. Les plus préparés à recevoir le Christ, quelles que soient leur caste et leur culture, viennent à Moi avec une promptitude et une foi absolue. Les moins préparés m'observent comme un homme qui sort de l'ordinaire ou bien ils m'étudient avec méfiance et curiosité ou bien encore ils m'attaquent et me dénigrent par des accusations variées. Les différents comportements sont en proportion de l'impréparation des esprits.
Dans le peuple élu, on devrait trouver partout des esprits prompts à recevoir ce Messie dans l'attente duquel les Patriarches et les Prophètes se sont consumés d'angoisse, ce Messie venu finalement précédé et accompagné de tous les signes annoncés par les Prophètes, ce Messie dont la physionomie spirituelle se dessine toujours plus claire à travers les miracles visibles sur les corps et sur les éléments et à travers les miracles invisibles sur les consciences qui se convertissent et sur les gentils qui se tournent vers le Vrai Dieu. Mais il n'en est pas ainsi, au contraire. La promptitude à suivre le Messie est fortement contrée justement chez les enfants de ce peuple et, chose douloureuse à dire, elle l'est d'autant plus qu'on s'élève dans les classes de sa société. Je ne le dis pas pour vous scandaliser mais pour vous amener à prier et à réfléchir. Pourquoi cela arrive-t-il? Pourquoi les gentils et les pécheurs font plus de chemin sur ma route? Pourquoi eux accueillent ce que je dis et les autres pas? Parce que les enfants d'Israël sont ancrés ou plutôt sont incrustés comme des huîtres perlières sur le banc où elles sont nées. Parce qu'ils sont saturés, remplis, gonflés de leur sagesse et ne savent pas faire place à la mienne en rejetant le superflu pour accueillir le nécessaire. Les autres ne subissent pas cet esclavage. Ce sont de pauvres païens ou de pauvres pécheurs qu'aucune ancre ne maintient en place, semblables à des bateaux en dérive. Ce sont des pauvres qui n'ont pas de trésors à eux mais seulement des fardeaux d'erreurs et de péchés. Ils s'en défont joyeusement dès qu'ils arrivent à comprendre ce qu'est la Bonne Nouvelle et ils en goûtent le miel fortifiant bien différent de la dégoûtante mixture de leurs péchés.
Écoutez, et peut-être vous comprendrez mieux comme peuvent être différents les fruits d'un même travail.
Un semeur s'en alla semer. Ses champs étaient nombreux et de différentes valeurs. Certains étaient un héritage de son père et la négligence y avait laissé proliférer les plantes épineuses. D'autres, c'était lui qui les avait acquis: il les avait achetés tels quels à un homme négligent et les avait laissés dans cet état. D'autres encore étaient coupés de routes car cet homme aimait le confort et il ne voulait pas faire beaucoup de chemin pour aller d'une pièce à l'autre. Enfin il y en avait quelques uns, les plus proches de la maison auxquels il avait consacré tous ses soins pour avoir une vue agréable devant sa demeure. Ces derniers étaient bien débarrassés des cailloux, des ronces, du chiendent et d'autres encore.
L'homme prit donc son sac de grains de semence, les meilleurs des grains, et il commença l'ensemencement. Le grain tomba dans la bonne terre ameublie, labourée, propre, bien fumée des champs les plus proches de la maison. Il tomba sur les champs coupés de chemins et de sentiers, en y amenant de plus la crasse de poussières arides sur la terre fertile. Une autre partie tomba sur les champs où l'ineptie de l'homme avait laissé proliférer les plantes épineuses. Maintenant la charrue les avait bousculées, il semblait qu'elles n'existaient plus, mais elles étaient toujours là parce que seul le feu, la radicale destruction des mauvaises plantes les empêche de renaître. Le reste de la semence tomba sur les champs achetés depuis peu et qu'il avait laissés comme ils étaient sans les défricher en profondeur, sans les débarrasser de toutes les pierres répandues dans le sol qui y faisait un pavage où les racines tendres ne pouvaient pénétrer. Et puis, après avoir tout emblavé, il revint à la maison et dit: "Oh! c'est bien! Maintenant je n'ai plus qu'à attendre la récolte". Et puis il se délectait parce qu'au fil des jours il voyait lever épais le grain dans les champs proches de la maison, et cela poussait... oh! le soyeux tapis! et puis les épis... oh! quelle mer! puis les blés blondissaient et chantaient, en battant épi contre épi, un hosanna au soleil. L'homme disait: "Tous les autres champs vont être comme ceux-ci! Préparons les faux et les greniers. Que de pain! Que d'or!" Et il se délectait...
Il coupa le grain des champs les plus proches et puis passa à ceux hérités de son père, mais laissés sans culture. Et il en resta bouche bée. Le grain avait abondamment poussé car les champs étaient bons et la terre, amendée par le père, était grasse et fertile. Mais sa fertilité avait agi aussi sur les plantes épineuses, bousculées mais toujours vivaces. Elles avaient repoussé et avaient formé un véritable plafond de ramilles hérissées de ronces au travers duquel le grain n'avait pu sortir qu'avec quelques rares épis. Le reste était mort presque entièrement, étouffé.
L'homme se dit: "J'ai été négligent à cet endroit, mais ailleurs il n'y avait pas de ronces, cela ira mieux". Et il passa aux champs récemment acquis. Sa stupeur fit croître sa peine. Maigres et maintenant desséchées les feuilles du blé gisaient comme du foin sec répandu de partout. Du foin sec. "Mais comment? Mais comment?" disait l'homme en gémissant. "Et pourtant, ici il n'y a pas d'épines! Et pourtant la semence était la même! Et pourtant le blé avait poussé épais et beau! On le voit aux feuilles bien formées et nombreuses. Pourquoi alors tout est-il mort sans faire d'épis?" Et avec douleur il se mit à creuser le sol pour voir s'il trouvait des nids de taupes ou autres fléaux. Insectes et rongeurs non, il n'y en avait pas. Mais, que de pierres, que de pierres! Un amas de pierraille. Les champs en étaient littéralement pavés et le peu de terre qui les recouvrait n'était qu'un trompe-l’œil. Oh! s'il avait creusé le terrain quand c'était le moment! Oh! s'il avait creusé avant d'accepter ces champs et de les acheter comme un bon terrain! Oh! si au moins, après avoir fait l'erreur de les acheter au prix proposé sans s'assurer de leur qualité, il les avait améliorés en se fatiguant! Mais désormais c'était trop tard et les regrets étaient inutiles.
L'homme se releva humilié et il se rendit aux champs qu'il avait coupés de petits chemins pour sa commodité... Et il déchira ses vêtements de douleur. Ici, il n'y avait rien, absolument rien... La terre foncée du champ était couverte d'une légère couche de poussière blanche... L'homme tomba sur le sol en gémissant: "Mais ici, pourquoi? Ici il n'y a pas d'épines ni de pierres, car ce sont nos champs. L'aïeul, le père, moi-même, nous les avons toujours possédés et pendant des lustres et des lustres nous les avons rendus fertiles. J'y ai ouvert les chemins, j'ai enlevé de la terre aux champs, mais cela ne peut les avoir rendus stériles à ce point..." Il pleurait encore quand une réponse à ses plaintes douloureuses lui fut donnée par une bande de nombreux oiseaux qui s'abattaient des sentiers sur le champ et du champ sur les sentiers pour chercher, chercher, chercher des graines, des graines, des graines... Le champ, devenu un canevas de sentiers sur les bords desquels était tombé du grain, avait attiré une foule d'oiseaux qui avaient mangé d'abord le grain tombé sur les chemins et puis celui du champ jusqu'au dernier grain.
Ainsi l'ensemencement, le même pour tous les champs, avait donné ici le cent pour un, ailleurs soixante, ailleurs trente, ailleurs rien. Entende qui a des oreilles pour entendre. La semence c'est la Parole: elle est la même pour tous. Les endroits où elle tombe: ce sont vos cœurs. Que chacun en fasse l'application et comprenne.
La paix soit avec vous. ”
Puis, se tournant vers Pierre, il lui dit: “Remonte aussi haut que tu peux et amarre de l'autre côté.”
Et pendant que les deux barques avancent un peu sur le fleuve pour s'arrêter ensuite près de la rive, Jésus s'assoit et demande au nouveau disciple: “Qui reste-t-il maintenant chez toi?”
“Ma mère avec mon frère aîné marié depuis cinq ans. Mes sœurs sont dispersées dans la région. Mon père était très bon et ma mère le pleure, désolée.” Le jeune homme s'arrête brusquement car il sent un sanglot qui lui monte du cœur.
Jésus le prend par la main et lui dit: “J'ai connu Moi aussi cette douleur et j'ai vu pleurer ma Mère. Je te comprends donc bien ... ”
Le frottement de la barque sur le gravier interrompt la conversation et l'on débarque. Ici, ce ne sont plus les collines basses de Bethsaïda qui plongent pour ainsi dire leurs nez dans le lac, mais une plaine avec de riches moissons s'étend sur cette rive en face de Bethsaïda vers le nord.
“Nous allons à Méron?” demande Pierre.
“Non. Nous prenons ce sentier à travers champs.”
Les champs, beaux et bien entretenus, montrent leurs épis, encore tendres mais déjà formés. Ils sont tous au même niveau et avec le léger ondoiement que leur imprime un vent frais qui vient du nord, ils semblent former un autre petit lac où font office de voiles les arbres qui se dressent ça et là pleins de pépiements d'oiseaux.
“Ces champs ne sont pas comme ceux de la parabole” observe le cousin Jacques.
“Non, assurément! Les oiseaux ne les ont pas dévastés, il n'y a pas d'épines ni de cailloux. Un beau grain! D'ici un mois il sera déjà blond... et d'ici deux mois il sera prêt pour la faux et le grenier” dit Judas Iscariote.
“Maître... je te rappelle ce que tu as dit chez moi. Tu as si bien parlé. Mais je commence à avoir dans la tête des nuages embrouillés comme là-haut...” dit Pierre.
“Ce soir je te l'expliquerai. Maintenant nous sommes en vue de Corozaïn.” Jésus fixe le nouveau disciple et lui dit: “On donne à celui qui donne et la possession n'enlève pas le mérite du cadeau. Conduis-moi à votre tombeau et chez ta mère.”
Le jeune homme s'agenouille en baisant tout en larmes la main de Jésus.
“Lève-toi. Allons. Mon esprit a ressenti ton chagrin. Je veux par mon amour te fortifier dans l'héroïsme. ”
“Isaac, l'Adulte, m'avait raconté à quel point tu étais bon. Isaac, tu sais? Celui dont tu as guéri la fille. Il a été mon apôtre. Mais je vois que ta bonté est encore plus grande que ce qu'il m'avait dit.”
“Nous allons aussi saluer l'Adulte pour le remercier de m'avoir donné un disciple.”
On arrive à Corozaïn et c'est justement la maison d'Isaac la première que l'on rencontre. Le vieil homme qui rentre chez lui, quand il voit le groupe de Jésus avec les siens, et parmi eux le jeune homme de Corozaïn, il lève les bras, avec son bâtonnet en mains, et en a le souffle coupé, et il reste bouche bée. Jésus sourit et son sourire rend la parole au vieillard.
“Dieu te bénisse, Maître! Mais d'où me vient cet honneur?”
“C'est pour te dire "merci".”
“Mais de quoi, mon Dieu? C'est moi qui dois te dire cette parole. Entre, entre. Oh! quelle douleur que ma fille soit au loin pour assister sa belle-mère! Car elle est mariée, sais-tu? Toutes les bénédictions depuis que je t'ai rencontré! Elle guérie, et tout de suite après ce riche parent revenu de loin, veuf, avec ces petits qui ont besoin d'une mère... Oh! mais je t'ai déjà dit ces choses! Ma tête est vieille! Pardonne-moi.”
“Ta tête est sage et elle oublie aussi de se glorifier du bien qu'elle fait pour son Maître. Oublier le bien que l'on a fait c'est de la sagesse. Elle manifeste l'humilité et la confiance en Dieu.”
“Mais moi... je ne saurais ... ”
“Et ce disciple, n'est ce pas par toi que je l'ai?”
“Oh! ... mais je n'ai rien fait, sais-tu? Je lui ai seulement dit la vérité ... et je suis content qu'Élie soit avec Toi.” Il se tourne vers Élie et lui dit: “Ta mère, après le premier moment de stupeur, a essuyé ses larmes quand elle a su que tu étais auprès du Maître. Ton père a eu, malgré cela, un deuil plein de dignité. Il est depuis peu au tombeau.”
“Et mon frère?”
“Il se tait... sais-tu... cela lui a été un peu dur de te voir absent... à cause du pays... Il pense encore ainsi ... ”
Le jeune homme se tourne vers Jésus: “Tu l'as dit. Mais moi, je ne voudrais pas qu'il fût mort... Fais qu'il devienne vivant comme moi, et à ton service.”
Les autres ne comprennent pas et regardent d'un air interrogateur, mais Jésus répond: “Ne désespère pas et persévère.” Ensuite il bénit Isaac et s'en va malgré l'instance d'Isaac.
Ils restent d'abord près du tombeau fermé et ils prient. Puis, à travers un vignoble à demi-dépouillé, ils vont vers la maison d'Élie.
La rencontre entre les deux frères est plutôt réservée. L'aîné se juge offensé et veut le faire remarquer. Le cadet se sent humainement coupable et ne réagit pas. Mais la mère arrive. Sans un mot, elle se prosterne et baise le bord du vêtement de Jésus. Son arrivée rassérène l'atmosphère et les esprits au point qu'on veut faire honneur au Maître. Pourtant Jésus n'accepte rien et dit seulement: “Que vos cœurs soient justes, l'un envers l'autre, comme était juste celui que vous pleurez. Ne donnez pas un sens humain à ce qui est surhumain: la mort et l'appel à une mission. L'âme du juste ne s'est pas troublée de voir que le fils n'était pas à la sépulture de son cadavre. Mais, au contraire, elle s'est apaisée en pensant à la sécurité de l'avenir de son Élie. Que l'opinion du monde ne trouble pas la grâce de la vocation. Si le monde a pu s'étonner de ne pas le voir près du cercueil de son père, les anges ont exulté de le voir à côté du Messie. Soyez justes. Et toi, mère, que ton fils te console. Tu l'as élevé avec sagesse et ton fils a été appelé par la Sagesse. Je vous bénis tous. La paix soit avec vous, maintenant et toujours.”
Ils reviennent sur le chemin qu'ils reprennent pour aller au fleuve et de là à Bethsaïda. L'homme, Élie, ne s'est pas attardé un seul instant sur le seuil paternel. Après le baiser d'adieu à sa mère, il a suivi le Maître avec la simplicité d'un enfant qui suit son père.
Extrait de la Traduction de “L’évangile tel qu’il m’a été révélé” de Maria Valtorta ©Centro Editoriale Valtortiano, Italie http://www.mariavaltorta.com/
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